« – Et s’ils avaient raison d’exprimer leur colère ? C’est le seul moyen de se faire entendre aujourd’hui !
– En 2005 ça a servi à quoi ? A rien, ils ont brulé toutes les bagnoles, ils ont détruit les abris de bus. Et maintenant y a quoi ? Un pauvre poteau ? Y’a même pas de banc pour s’assoir, y a plus rien ! Ça s’est retourné contre vous. Et tu sais c’est quoi le pire ? C’est que tous le monde s’en fou. »
Quoi dire hormis : quel chef d’œuvre ! Prix du jury au festival de cannes en 2019, quatre Césars en 2020 et nominé à l’Oscar du meilleur film international, « Les Misérables » de Ladj Ly est un coup de poing.
« Arrête de faire le guignol avec ton brassard, tout le monde sait qu’on est flic ici ».
L’histoire se déroule dans la cité de Montfermeil en banlieue parisienne, où Philippe, un brigadier plein d’idéaux venant de Cherbourg décide d’intégrer la Brigade Anti-Criminalité du quartier. Il y découvre un contexte singulier et tendu, dont il ne connait pas les codes. Un espace riche de mixités où chacun à une place et un rôle et où chaque action a des répercutions. Tout se passe en 24h. 24h où le spectateur est pris au tripe, dans un enchainement d’actions d’une tension impressionnante, le tout sous des tons électroniques intenses signés Pink Noise. Un lionceau volé à un groupe de gitan, un fashball tiré sur la tête d’un ado le tout filmé par un drone et l’émeute qui éclate derrière le jeune Issa, symbole de la colère.
Ladj Ly bouscule les dogmes des films sur les banlieues et casse les préconçus. Pas de rap en bande originale, pas de flics blancs contre les jeunes noirs, pas de gentils contre les méchants. Nous sommes plongés dans une réalité complexe fais d’acteurs différents, tous victimes d’un système. Ce long métrage humaniste submerge le spectateur de sentiments forts et divergents, touchant tous les protagonistes.
« Les Misérables » est une alerte poignante sur une situation inchangée depuis des années, sur un délaissement total des politiques face à une situation critique qui perdure. C’est un enseignement, sur un fonctionnement d’une vie ignorée par nos représentants. Mais c’est aussi le tableau d’un univers touchant et vivant qui met en lumière le fossé existant entre cette réalité et l’image médiatique. « Les Misérables » est une œuvre de notoriété publique indispensable aujourd’hui.